« Un Amour à stafisfaire », le roman qui vous rendra amoureux

Un Amour à satisfaire

Taram Boyle

Nouvelle version augmentée - Plus de texte pour encore plus de plaisir


1 – Plaisirs nocturnes




Dans ce train surchauffé qui reliait Dijon à Paris, les voyageurs semblaient tous épuisés, en ce dimanche soir d’octobre. La nuit ne parvenait pas à masquer le vent et la pluie qui s’abattaient bruyamment contre les fenêtres.
Romain Fouché, qui avait presque manqué le départ, était monté dans le dernier wagon alors que le chef de gare sifflait déjà. Il venait de traverser chaque voiture avec son sac de sport, billet à la main, avant de trouver sa place. C’était un petit blond, des yeux verts, une peau claire, pas très musclé, mais avec des proportions idéales pour son âge. Il s’assit à côté d’un homme d’une trentaine d’années plutôt séduisant, qui semblait tenter de dormir, la joue plaquée contre la vitre glacée du wagon. Romain sortit son casque et son téléphone pour écouter quelques morceaux de musique classique. Lui aussi était fatigué. En l’espace de deux jours, il s’était farci une interminable soirée familiale, une journée à pratiquer du canoë avec un cousin et un mariage hétéro jusqu’à 5 heures du matin pour compléter le tout.
C’est vrai, Romain n’était pas du genre à se mettre en avant. Non. Il aimait la discrétion, la retenue, la réserve. C’était pour lui une question d’éducation, l’amour d’un certain savoir-vivre. Aussi dans ces réunions de famille, il se tenait toujours un peu en retrait. Il détestait que ses cousins ou ses tantes lui posent des questions sur sa vie personnelle. C’étaient toujours les mêmes qui revenaient « Alors, tu as une petite copine ? », « Tu n’as jamais eu de copine ? », « Tu vas rester célibataire toute ta vie ? » Il y avait dans ces questions-là quelque chose de dramatique qu’il avait grand-peine à désamorcer. Comme si être seul était finalement une horreur qu’il fallait éviter à n’importe quel prix.
Si la vie intime de Romain était si mystérieuse, c’est surtout parce que les charmes féminins étaient éclipsés par le désir ô combien irrésistible qu’il éprouvait pour les autres hommes. La vue d’un corps masculin dénudé éveillait en lui un désir si particulier, si intense, qu’il avait peur de perdre tous ses moyens, de ne plus être lui-même, s’il y succombait. Ces pulsions étaient totalement secrètes, bien entendu. Âgé de vingt et un ans, il n’avait toujours pas franchi le pas, ni avec un garçon ni avec une fille. Timidité ? Complexes ? Peur ? Honte ? Gaucherie ? Oui, sans doute un peu de tout cela à la fois. Et peut-être aussi une certaine forme de lâcheté. Tant qu’il ne couchait pas avec d’autres garçons, il n’était techniquement pas homosexuel. La marche des fiertés, l’homophobie, l’engagement contre oppression des LGBTQ dans le monde, tout cela lui glissait sur la peau. Il savait bien qu’il devrait tôt ou tard s’avouer la vérité et assumer cette attirance irrépressible, ce besoin d’un corps viril qui l’émoustillait jour et nuit.
Dans ses rêves intimes d’une grande naïveté, il se voyait nu, bras dessus, bras dessous avec un beau garçon, enlacés sur un sofa à regarder dans l’obscurité les lumières de la ville, juste à savourer la beauté du temps qui passe avec quelqu’un en qui il aurait une totale confiance. Il l’embrasserait avec sensualité, laissant ses doigts glisser lentement sur sa peau duveteuse. Le point culminant était une étreinte, des mains aventureuses, des muscles et des organes, qu’on devinait tendus sous des vêtements devenus trop serrés...
Voilà l’un des fantasmes assumés qui affolaient les désirs nocturnes du jeune Romain. Évidemment, pour la famille, ce serait beaucoup plus difficile à accepter. Comment pourrait-il se présenter au bras d’un homme devant tous les siens après leur avoir raconté tant de mensonges ? D’ailleurs, chez ses parents on ne s’embarrassait pas de la moindre subtilité envers les gays. Chez eux, on ne disait pas « homosexuel » ou « gay », mais toujours « pédé », souvent accompagné d’un mépris nettement encouragé dans ce même cercle.
De toute façon, chez les Fouché, il n’y en avait pas. De mémoire des représentants de l’honorable lignée, jamais personne n’avait été « pédé ». Bien sûr, on trouvait quelques excentriques, marginaux et autres tantes musclées demeurées célibataires une vie durant, mais aucun « pédé ». La famille Fouché, avec son père grand et costaud, ses deux fils, dont l’un pratiquait le rugby et l’autre voulait devenir dessinateur, était l’une des plus couillues de la descendance. C’était certain, chez les Fouché, le gène de l’homosexuel, véritable anomalie classée dans le même sac que toutes les autres déviances, n’existait pas.
Cette situation semblait inextricable. Dans ce climat très hostile, le meilleur parti était sans doute de passer pour un célibataire endurci et de ne surtout rien dire. À bien y réfléchir, il ne faisait aucun doute que c’était la véritable raison pour laquelle il était venu suivre la fin de ses études à Paris. Ici, la ville grouillait de beaux garçons, de bars à la mode. L’homoérotisme s’affichait sur les statues des monuments, dans les kiosques à journaux, sur les publicités et un vent de liberté soufflait sur les rues comme pour donner aux habitants l’autorisation de tous les excès. Dans un tel cadre, les perspectives d’amour physique lui paraissaient plus prometteuses.
Comment pourrait-il vivre à nouveau à Dijon dont il était originaire ? Bien que ne reniant pas ses racines, cette ville n’évoquait pour lui que l’ennui et la chasteté. Jamais il n’avait connu d’émoi sexuel et il mettait cela sur le compte du qu’en-dira-t-on des petites villes de province. En réalité, son problème était plutôt un manque cruel d’estime de lui-même mêlé à une timidité qui transformait toutes ses approches en d’immanquables désastres. Et même si, dans le fond, il désirait énormément goûter au corps d’un autre homme, il n’arrivait jamais à concrétiser l’affaire.
Quelque temps auparavant, il avait dû se préparer psychologiquement deux jours durant avant de traverser la rue principale du Marais. Cette aventure, qui ne dura que quelques minutes, lui sembla interminable. À peine longeait-il le trottoir de la première terrasse que ses pas s’emballèrent. Avec la peur de paraître ridicule, il se raidit davantage et devint rouge comme le premier péquenot tout juste sorti de sa cambrousse. Bref, s’il y avait des placards pour les gays, il se plaisait toujours à penser que lui était carrément enfermé dans les douves d’un château depuis déjà trop longtemps pour en sortir un jour.
Perdu dans ses pensées et bercé par les mouvements du train et les notes d’une sonate pour piano de Beethoven, Romain ne tarda pas à s’assoupir et même à plonger dans un sommeil profond. « Il y en a qui s’endormirait sur un rondin de bois » lui avait-on déjà dit et l’image était parfaitement appropriée. À son réveil il ressentit une sensation étrange. Il n’était plus assis, le cou contre l’appui-tête, non. Il se trouvait allongé, les bras repliés contre son ventre, sa joue tout bonnement posée sur les cuisses de son voisin, le trentenaire viril. Romain demeura immobile scrutant alentour. Dans le voisinage direct, tout le monde semblait dormir et ronfler de concert. Il fut rappelé à la réalité par une pression inattendue, mais loin d’être désagréable, juste sous la joue. En moins d’une seconde, il comprit la situation. Il s’était endormi avant de se laisser glisser dans cette position bien plus confortable, les jambes étendues squattant l’allée, le visage enfoncé sur les cuisses de son voisin de droite.
Il songeait à se relever, quand il sentit une main lui caresser délicatement le dos. Est-ce qu’il rêvait ? Non, bien sûr. L’homme, qui lui avait semblé attirant au premier regard, paraissait très excité par ce contact providentiel. Romain décida de se laisser faire, c’était tellement agréable d’être ainsi choyé par un inconnu. Ce n’était pas vraiment de l’homosexualité, il dormait à moitié et cela ne comptait pas. La main de l’inconnu remonta lentement jusqu’à son échine avant de lui caresser les cheveux. C’était si plaisant et inattendu que Romain ressentit des frissons jusque dans le bas du dos. Il enfonça légèrement son visage et il sentit le sexe grossir et remonter pour s’écraser un peu plus contre sa joue. Il aimait franchement beaucoup cela. L’idée d’être désiré par un homme était la sensation la plus jouissive qu’il avait jamais expérimentée. Il voulait que cela ne s’arrête jamais et continuer cet échange de plaisir anonyme. Mais les lumières du compartiment s’allumèrent soudain et on entendit la voix du contrôleur saluer les voyageurs.
— Bonsoir, Messieurs, dames. Veuillez présenter vos titres de transport, s’il vous plaît.
Voyant ses voisins se réveiller tous en même temps, Romain se releva d’un bond avant de se recoiffer en enfonçant ses doigts dans son épaisse tignasse blonde pour ramener ses cheveux sur le côté. Il osa scruter la bosse du pantalon de son voisin et fut surpris de voir son sexe épais parfaitement dessiné sous le tissu de son jean usé.
Ce dernier dut s’en rendre compte et ramena rapidement son blouson devant lui pour ne pas être vu par les autres passagers. Romain était également très excité, mais son pantalon était moins saillant et son pull masquait cette zone tendue. La dame qui leur faisait face leur envoya un petit sourire de sympathie comme si pour elle, de toute évidence, les deux garçons formaient un couple bien assorti.
— Messieurs, Dames, bonsoir, dit l’agent SNCF en tendant la main.
Romain en profita pour bien détailler ce curieux étranger. Grand, musclé, mais encore fin, il avait un nez droit, une peau mate, de grands yeux noirs entourés de longs cils. Avec ses mèches qui retombaient sur ses yeux et sa barbe de trois jours, il avait un petit côté rebelle qui contrastait avec son costume sombre et sa chemise blanche légèrement ouverte.
— Nous arrivons à Paris à quelle heure ? demanda-t-il d’une voix très grave.
— À vingt-trois heures sept, comme prévu, répondit l’agent en scannant son billet.
L’homme remarqua que Romain l’observait et ce dernier croisa son regard, l’espace d’une seconde. Ses yeux brillaient comme s’il avait la fièvre ou qu’il vivait si intensément dans ses pensées qu’il était absent de la réalité. Devant un tel manque d’intérêt, Romain commença à se demander si, à force d’abstinence, il n’avait pas rêvé ce moment d’excitation si inattendu et probablement accidentel.
Pendant le reste du voyage, Romain demeura attentif au moindre signe qui pourrait signifier une attention envers lui, un sourire, un mot, un petit geste ou un contact quelconque du genou. Mais l’homme l’ignora si bien qu’en arrivant à Paris, il quitta le train avec une forme d’amertume, presque de la rancœur.
Après avoir procuré un certain plaisir à ce garçon, voilà qu’il était considéré comme le dernier des anonymes. Peut-être que ce n’était pas plus mal. Qui sait où cette étrange rencontre l’aurait mené ? Il emprunta le métro jusqu’à Charonne et remonta l’escalier de son petit appartement, la tête chamboulée par toutes les émotions de ce week-end des plus denses. Il n’avait ni faim, ni envie de traîner sur Internet ou de regarder les policiers débiles du dimanche soir à la télévision. Il s’offrit simplement une longue douche comme pour se débarrasser des souvenirs harassants des derniers jours. Romain aimait par-dessus tout ces moments d’intimité où il se retrouvait seul avec son corps. Tout en passant le savon sur sa peau claire, Romain sentit une belle érection pointer en son bas-ventre. C’était l’une de celles qui rendent la queue lourde, omniprésente et que rien ne pourra calmer. Il empoigna son sexe turgescent et commença à le malaxer avec douceur et précision, l’eau savonneuse le rendant mousseux et luisant.
Il s’était toujours branlé en essayant de faire durer le plaisir au maximum, flattant son sexe pour le rendre toujours le plus dur possible. Une heure, deux heures… rien ne lui faisait peur. Quand Romain commençait à honorer sa queue, tout s’effaçait, le temps s’arrêtait. Il ne put s’empêcher de penser au bel inconnu et à sa bite dotée de dimensions exceptionnelles. Il avait l’air plus grand que lui, plus mûr, plus viril, exactement tout ce qu’il aimait chez un homme, pour peu que celui-ci veuille réellement de lui.
Il imagina l’inconnu debout face lui. Romain embrassait ses pectoraux, léchait ses tétons, descendait lentement pour trouver des poils pubiens. Et en bas, le Saint-Graal, une queue énorme raide et bien dure !
Romain, tout en se branlant énergiquement, sentit les muscles de ses cuisses et ses abdominaux se crisper. Il allait venir, non ? Déjà ? L’homme poussant le haut du crâne de son jeune amant, lui ordonnant de prendre le beau dard dans la bouche et de le pomper avidement. Oui, Romain allait venir, ça avait l’air si bon. « Maintenant, tourne-toi » lui ordonnait la voix imaginaire du bel inconnu tout en le faisant pivoter sur lui-même d’un geste expérimenté. « Non ! Pas par derrière, je ne… Je ne… Je ne peux pas… » Romain écarquilla les yeux pour voir son sperme gicler de son gland devenu énorme par lancées saccadées, ses reins suivant le rythme des secousses que la jouissance lui imposait. Le liquide blanchâtre dégoulina le long de la porte vitrée, comme le dernier témoin d’une aventure morte avant même d’avoir vu le jour.







2 – Virginité




Au petit-déjeuner, Romain buvait un jus d’orange, un café et engloutissait une demi-baguette de pain avant de prendre sa douche. Seul cet exercice quotidien lui permettait d’être pleinement opérationnel durant toute la matinée. La salle de bains était cependant si minuscule qu’elle se métamorphosait rapidement en bains turcs assez enfumés pour vous faire suffoquer. Il entrouvrait donc souvent une grande fenêtre qui donnait sur la cour, pile en face d’un autre immeuble. Il espérait que derrière les projections d’eau et les reflets sur la paroi en verre de la douche, on ne voyait pas trop son corps. Mais dans le fond, si cette vue dérangeait les voisins, ils n’avaient qu’à regarder ailleurs. Il s’estimait suffisamment bien fait de sa personne pour ne pas susciter des cris de terreur. Une fois séché et habillé, il s’installa aussitôt sur sa palette graphique et se lança spontanément dans un nouveau projet de bande dessinée. Il suivait les cours des Beaux-Arts depuis plus de trois ans et il nourrissait le secret espoir de devenir un jour un dessinateur de bédés célèbre. Son geste était souple, les traits sûrs, efficaces, on sentait bien que le dessin était pour lui une seconde nature.
En quelques mouvements de stylet, il dessina la voiture d’un train, deux silhouettes assises l’une contre l’autre, sur la banquette d’un compartiment. Il avait eu cette idée pendant la nuit dans un état de somnolence maintenu par une excitation sexuelle inhabituelle. Il allait tenir un journal intime dessiné. Cela lui permettrait de s’exercer tout en racontant des choses de son quotidien. Sur la seconde bulle, les personnages s’embrassaient amoureusement et c’est sur la troisième case qu’il passa le plus de temps. Car l’homme de gauche était nu, un sexe énorme en érection. À côté, un jeune plus fin et entièrement nu était à plat ventre sur la banquette du train, les fesses cambrées, en train de sucer cette queue finement dessinée et d’où coulait un abondant liquide. À la vue de son propre dessin, Romain commença à bander et ne tarda pas à se branler. C’était tellement bon de s’abandonner au plaisir, comme ça, à l’improviste, alors que la journée venait de commencer. Il aurait tellement aimé vivre cet épisode de cette manière… Mais il ne parvint pas à jouir, cette fois. Quelque chose le dérangeait. Sans doute le stress de manquer le début des cours. Il rangea sa queue dans son pantalon, la tassant pour la faire tenir encore assez raide. Il attendit quelques minutes et enfila son blouson pour sortir.


*

* *



En fin de journée, il aimait traîner dans différentes librairies, recherchant l’inspiration en parcourant du regard les albums des auteurs qu’il enviait. Ce soir-là, Romain s’arrêta à la Fnac du Forum des Halles où il parcourut les pages d’un nouvel album. Mais il se sentit bientôt observé, quelque part, non loin, derrière lui. Il se retourna brièvement pour s’apercevoir que personne ne prêtait attention à lui. Romain poursuivait sa visite quand il reconnut ce beau brun, rencontré dans le train et qui lui avait laissé un souvenir si marquant. C’était tellement inattendu, surtout cet étalon qu’il ne pensait jamais revoir. Leurs regards se croisèrent assurément, mais l’homme changea brusquement de direction et disparut dans le rayon voisin. Romain sentit son cœur s’emballer, pensant ce ne pouvait pas être une coïncidence. Il ne pouvait pas le croiser ici et maintenant, par hasard, à quelques jours d’intervalle. Il décida de se lancer à sa poursuite.
Le jeune homme traversa l’allée du rayon bandes dessinées à grands pas, ne prêtant plus la moindre attention aux étals de livres, en dévisageant tous les anonymes avec intérêt et appréhension. L’homme du train était forcément par ici, au beau milieu de tous ces gens dont il ne voulait rien savoir. Mais il eut beau faire le tour du magasin et même revenir sur ses pas, le mystérieux voyageur s’était volatilisé.
Romain était à la fois déçu et excité par les sentiments qui lui traversaient l’esprit. Il éprouvait une telle curiosité, une attirance si entêtante, qu’il ne se reconnaissait plus. Il valait peut-être mieux qu’il chasse cette histoire de son esprit avant que cette affaire ne vire à l’obsession. Le petit blond quitta les Halles, le cœur battant, avec un sentiment d’inachevé. En même temps, s’il s’était retrouvé en face de lui, que lui aurait-il dit ? « Tu as bandé contre ma joue dans le Dijon-Paris de dimanche soir… » Non, assurément non. Il valait mieux tracer un trait final sur cette aventure aussi excitante qu’improbable.
Un peu plus tard, il marchait à proximité du Centre Pompidou quand il remarqua des cracheurs de feu qui encadraient des ballerines dansant au milieu des badauds. Il sortit son téléphone pour les prendre en photo au moment où une voix très grave se fit entendre, juste derrière lui :
— Tu as l’air observateur, pourtant je te suis depuis une bonne vingtaine de minutes, tu ne m’as même pas remarqué.
Romain se retourna brusquement et se trouva nez à nez avec le beau passager du train.
Le jeune étudiant ressentit une sorte d’effroi. Il était à la fois comblé et tétanisé par la tournure que prenaient les événements. Que lui voulait-il alors qu’il l’avait déjà évité à deux reprises ?
— Tu as perdu la langue ? reprit le bellâtre brun qui, avec le visage rasé et son costume bleu marine, paraissait plus jeune et beaucoup plus beau. Tu avais l’air plus à ton aise dans l’obscurité du train ?
Romain était soufflé. Que voulait-il dire ?
— Je… Je n’ai pas fait exprès. Ces quelques jours à Dijon m’ont crevé. Je n’en pouvais plus…
Le jeune homme sourit avant d’avancer la main :
— Je m’appelle Loïc, je suis agent immobilier et toi ?
— Moi, c’est Romain. Je suis en quatrième année des Beaux-Arts.
— Un artiste ? C’est original. Tu aimes quelles disciplines ?
— Je voudrais travailler dans l’édition de bandes dessinées, comme auteur.
Au fil de la conversation, d’épais nuages noirs se regroupèrent au-dessus du centre de Paris et de grosses gouttes ne tardèrent pas à tomber.
— Tu as le temps de prendre un verre ? lui demanda Loïc en lui faisant un petit clin d’œil. Je suis très mal garé à deux rues d’ici, il faudrait juste que je déplace ma voiture. Tu viens avec moi ?
Romain était toujours sous le coup de la surprise et il accepta d’un simple hochement de tête, incapable de prononcer un son. La pluie tombant finalement à verse, ils se mirent à courir pour franchir la rue Renard et rejoindre le Marais par la rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie. Mais la pluie s’abattit en trombes sur la chaussée si bien que c’est trempés jusqu’aux os qu’ils s’engouffrèrent dans une New Beetle noire flambant neuve.
— Wow ! Mais c’est une averse comme il n’y en a qu’en Asie, commenta Romain, en essuyant son visage ruisselant.
— Tu connais l’Asie ? le questionna Loïc de sa voix grave en démarrant le moteur du véhicule.
— Non, je n’y suis jamais allé, mais j’aimerais beaucoup, s’il ne tombe pas ces pluies diluviennes pendant mon séjour.
— Moi non plus, reprit le plus âgé, mais il paraît qu’au Japon la sensualité est considérée comme un art. Je me verrais bien y passer quelques semaines, histoire d’approfondir mes connaissances sur la question. À la seule condition que je sois accompagné, pour en profiter, évidemment, ajouta-t-il d’un air pensif.
Romain observa Loïc avec une curiosité mêlée à une forme d’admiration, presque de la jalousie. Le bellâtre brun semblait si à l’aise dans sa vie, dans son corps, avec ses sentiments. Ce devait être un véritable gay, de ceux qui ont eu le courage de faire un choix, qui s’assument sans le crier sur tous les toits, qui vivent leur sexualité parfaitement normalement. Il l’imaginait déjà pratiquant des sports virils, retapant un appartement, toujours volontaire, tout ce qu’il aimait chez un hétéro, mais en version gay.
La voiture traversa les boulevards et le jeune homme se demanda si finalement suivre ce bel inconnu était une bonne idée. Ils n’avaient partagé que des banalités, quelques sourires et un curieux échange sensuel. Mais Loïc pouvait parfaitement être l’un de ces déséquilibrés comme les manchettes des journaux en faisaient régulièrement l’actualité. Rien ne prouvait qu’il n’allait pas simplement le détrousser ou le… Non. Bien sûr que non, ce genre d’histoire n’arrivait que dans les faits divers. La sonnerie du smartphone de Loïc retentit entre les deux fauteuils de la voiture et il l’attrapa d’un geste souple. Sur l’écran, Romain eut juste le temps de lire les lettres « Floor » affichées avec un logo :
— Oui, salut ! Bien sûr. Je peux y passer. Je ne suis pas loin… D’accord, je fais le maximum.
Loïc se tourna vers son passager :
— Changement de programme, dit-il en s’engouffrant dans la première rue perpendiculaire. Je dois faire un petit détour…
— Un problème ? demanda Romain. Tu peux me déposer, si tu as quelque chose d’urgent à faire. Ne t’en fais pas. Je retrouverai mon chemin.
— Évidemment, non. Tu sauras qu’il n’y a jamais de problème avec moi, juste des solutions.
Loïc leva la main le plus naturellement du monde pour la glisser dans la nuque de Romain et lui caresser les cheveux comme il l’avait fait dans le train.
Ce contact, à la fois naturel et rassurant procura aussitôt des frissons à Romain qui n’osa pas montrer le plaisir qu’il ressentait. Mais ses joues rougirent et il se contenta de rester immobile.
— Je trouve que tu es très mignon, déclara Loïc de sa voix virile. Tu vis à Paris ?
— Oui, à Charonne, où je loue un minuscule studio.
— Je connais très bien ce quartier. C’est sympa, pas trop bruyant. Le coin se vend bien.
Romain jeta un œil pensif par la fenêtre. Si le contact de cette main dans son cou lui était agréable, il avait peur que les passagers des autres voitures ne le remarquent et se moquent de lui. Mais les sensations que lui apportaient ces caresses finirent par lui faire oublier quelques instants le regard des autres.
La New Beetle pénétra sous un porche et s’arrêta dans une petite impasse pavée donnant sur un très joli hôtel particulier.
— C’est classe, jugea Romain en considérant l’architecture de la bâtisse, avec ses hautes fenêtres en bois blanc flambant neuves, ses vieilles pierres et son lierre abondant. Je t’attends dans la voiture ?
— Bien sûr que non, tu es encore trempé. Tu vas d’abord te sécher un peu, sinon tu vas tomber malade. Viens avec moi.
Les deux jeunes hommes passèrent une porte de fer forgé, un jardinet et pénétrèrent dans cette maison luxueuse pour se retrouver dans un hall faisant face à un large escalier en pierre du plus bel effet. Loïc désactiva l’alarme et se tourna alors vers Romain pour s’approcher de lui. Il plongea son regard dans le sien et attrapa ses poignets pour le ramener à lui et l’embrasser fougueusement. Romain était stupéfait, car il ne s’y attendait pas, mais il fut aussitôt si enchanté par cet élan de désir qu’il ferma les yeux et laissa son hôte faire glisser sa langue entre ses lèvres. Il fut aussitôt envahi par le goût agréable de sa salive, son parfum de peau et la chaleur de son corps contre le sien. L’étreinte dura aussi longtemps que ce baiser passionné et ils furent presque étourdis en rouvrant les yeux...

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